Archives par mot-clé : récits de voyage

Voyages réels, voyages imaginaires, XVIe-XVIIIe siècles (2014)

Voyages réels, voyages imaginaires, XVIe-XVIIIe siècles

Real and Imaginary Travels 16th-18th centuries

Journées Jeunes chercheurs 2014

À paraître aux Presses de l’Université de Strasbourg (2015)

 

Sommaire et résumés / List of contributions and abstracts

Télécharger les résumés / Download the abstracts

 

The Other Ovid: Seventeenth-Century Itineraries of Make-Believe

Monica MATEI-CHESNOIU (Professeur à l’Universitatea Ovidius din Constanța, Roumanie)

 Shakespeare’s Romances and “Figure[s] of transporte”

Barbara MULLER (Université de Strasbourg)

Fashioning Englishness through the French Other: the 1719 English Edition of Misson’s 1698 Mémoires et observations faites par un voyageur en Angleterre

Emma PAUNCEFORT (University College London)

 “And now is the time I want it”: Laurence Sterne’s A Sentimental Journey Read as Romantic Ramble versus Ego Trip.

Heidi LIEDKE (Albert-Ludwigs-Universität Freiburg, Allemagne)

 The Heart’s Travelling Back in The School of the Heart (1647)

Émilie JEHL (Université de Strasbourg)

 Critique et légitimation du voyage dans les utopies narratives, de Platon à Veiras

Angélique PÉRÈS (Université Paris Sorbonne)

 La Tempête de Shakespeare, écho d’un naufrage dans l’archipel des Bermudes

Vincent GRÉGOIRE (Université Paris Sorbonne)

 “Bearing the adventure of the seas”: seafaring and the figure of the merchant in the early modern imagination

 Anne-Kathrin MARQUARDT (Université du Havre)

 “New Sources of Wealth and New Channels of Commerce”: The Economic Dimensions of Mungo Park’s Travels in the Interior of Africa (1799)

Nora PLESSKE (Universität Passau, Allemagne)

  Du voyage à sa représentation : Les témoignages de deux marchands Nord-Américains en Europe (1779-1795)

Maud GALLET-GUILLON (Université Paris 3 Sorbonne Nouvelle)

 

 

Abstracts / Résumés

 

The Other Ovid: Seventeenth-Century Itineraries of Make-Believe

Monica MATEI-CHESNOIU (Professeur à l’Universitatea Ovidius din Constanța, Roumanie)

The other Ovid tells the story of how references and allusions to a classic like Ovid in early-seventeenth- century English travel texts can say different things to different people. As a Renaissance school text, Ovid was generally taught to support the values and ideals of a succession of postclassical societies, but between 1590 and 1620 a number of unusually sensitive readers responded to cues in the text that call into question what the Latin poet seems to have represented to learned people. This discussion focuses on the travel texts written by these readers to show how they used Ovid as a model for discourses that probed and challenged the values of their society, just as Ovid had done centuries before. Reading their own concerns in the learned allusions to the Latin poet, early modern travel-writers used the classical myth of Ovid to respond to issues of mutability, metamorphosis, and climatic zones of the earth, but mostly to refer to the liminal geographic space where the Latin poet was exiled in the time of Augustus. Travel texts in early modern Europe can be understood in new ways once the relationship to the other Ovid – the exiled traveller – is made clear.

« L’autre Ovide » met en lumière la manière dont les références et allusions aux œuvres classiques d’Ovide dans les textes de voyage anglais du XVIIe siècle peuvent prendre des significations différentes selon qui les lit. Dans les écoles de la Renaissance, Ovide était enseigné pour transmettre les valeurs et aspirations de toute une succession de sociétés postclassiques, mais entre 1590 et 1620 certains lecteurs très réceptifs ont répondu aux signaux du texte qui remettent en question ce que le poète latin semblait représenter pour les érudits. Cette analyse montre comment les textes de voyage écrits par ces lecteurs ont eu recours aux textes ovidiens pour sonder et mettre en cause les valeurs de leur société, exactement comme l’avait fait Ovide en son temps. En lisant leurs propres préoccupations dans les allusions érudites concernant le poète latin, les voyageurs du début des temps modernes ont utilisé le mythe classique d’Ovide pour formuler leurs conceptions de la mutabilité, de la métamorphose et des zones climatiques terrestres mais, surtout, pour faire référence à un espace géographique liminal où le poète latin fut exilé au temps de l’empereur Auguste. Les textes de voyage du début de la modernité prennent une nouvelle résonnance lorsqu’est mise en évidence leur relation avec l’autre Ovide – le voyageur exilé.

 

Shakespeare’s Romances and “Figure[s] of transporte”

Barbara MULLER (Université de Strasbourg)

Renaissance classicists such as Sidney advocated precise rules in terms of genre, meaning, the unity of space and time, which Shakespeare’s romances transgress: Pericles (1606), Cymbeline (1609), The Winter’s Tale (1609) and The Tempest (1610) are odysseys whose sprawling narrative structures hark back to the Greek romances of the 1st to 3rd centuries AD. They dramatize the disruption and reunification of families. Northrop Frye contends that at the close of these plays “kings remain kings and clowns clowns” (A Natural Perspective, 104) and new historicist critics consider the romances as reactionary fables in which patriarchal order prevails. My view is that these plays, because they rely on the miraculous, the imaginary and the enigmatic, are rather open invitations for the spectator to speculate about the world. They alter the spectator’s perception of a stratified world by means of travels within utopian worlds. Metaphor, “Metaphora, or the Figure of transporte” (Puttenham, 1589), contributes to this widening of perspective insofar as it is a potentially defamiliarising device.

Les traités de rhétorique et de poétique de la Renaissance inspirés des classiques, tel celui de Sir Philip Sidney, énonçaient des règles précises sur le genre, la signification, les unités d’espace et de temps, recommandations que les romances de William Shakespeare transgressent : Pericles (1606), Cymbeline (1609), The Winter’s Tale (1609) et The Tempest (1610) sont des odyssées dont la structure narrative tentaculaire témoigne de l’influence des romances grecques du 1er au 3ème siècle apr. J.-C. Ces pièces tardives de Shakespeare mettent en scène l’éclatement des familles puis leur réunification. Northrop Frye soutient qu’à la fin des romances, “ les rois demeurent rois et les clowns restent clowns” (A Natural Perspective, 104). La critique historiciste voit dans ce retour à l’ordre la validation d’une perspective patriarcale et réduit ces pièces à des fables réactionnaires. Il semblerait bien plutôt que les romances invitent le spectateur à spéculer sur le monde par le truchement du miraculeux, de l’imaginaire et de l’énigmatique. Les romances, comme voyages dans des mondes utopiques, altèrent la perception d’un monde stratifié. Et les métaphores, qualifiées de « figures de transport » (« figure[s] of transporte ») par George Puttenham (1589) participent de cette ouverture de champ par leur pouvoir de défamiliarisation.

 

Fashioning Englishness through the French Other: the 1719 English Edition of Misson’s 1698 Mémoires et observations faites par un voyageur en Angleterre

Emma PAUNCEFORT (University College London)

This essay examines John Ozell’s 1719 English translation of Henri Misson’s 1698 French travelogue entitled Mémoires et Observations faites par un voyageur en Angleterre. Ozell’s translation serves as a case study of a growing trend in early eighteenth-century England, itself initiated in the 1710s by Addison and Steele’s The Spectator: the impetus to scrutinise and debate English custom and character. Through close textual analysis, it considers how Ozell reinvests Misson’s original objectives as he seeks at once to champion “Englishness” and challenge the utility of travel of the English nobility to the continent in the Grand Tour. In so doing, this study draws on recent scholarship on the crafting of discourses in ethnography and travel writings. It also engages with scholarly debates on the emergence of an English national identity in the early modern period, as well as with the relatively new field of study of travel writings in translation.

Cet essai examine la traduction anglaise des Mémoires et Observations faites par un voyageur en Angleterre d’Henri Misson par John Ozell publiée en 1719. La traduction d’Ozell est ici considérée comme un exemple de la tendance qui se développa au début du dix-huitième siècle en Angleterre à partir du périodique d’Addison et Steele, The Spectator: le désir d’observer les mœurs et le caractère des Anglais et d’en débattre. Une analyse textuelle met au jour la manière dont Ozell réinvestit les visées originales de Misson dans le but de se faire le champion de tout ce qui était « anglais », remettant par là en cause l’utilité culturelle du voyage sur le continent qu’était le Grand Tour. Pour ce faire, l’étude s’appuie sur les études récentes consacrées à l’élaboration des discours dans les textes ethnographiques et dans les récits de voyage. Elle s’inscrit également dans les débats sur la naissance d’une identité nationale anglaise à l’époque moderne, ainsi que dans le domaine relativement nouveau qu’est l’analyse des traductions de récits de voyage.

 

“And now is the time I want it”: Laurence Sterne’s A Sentimental Journey Read as Romantic Ramble versus Ego Trip.

Heidi LIEDKE (Albert-Ludwigs-Universität Freiburg, Allemagne)

Using Virginia Woolf’s introduction to A Sentimental Journey as a backdrop and primary point of reference, this article goes on a quest. The first section establishes why Laurence Sterne’s A Sentimental Journey can be read as a conventional, albeit entertaining, travelogue. The second section shows passages that, less conventionally, present an introverted kind of traveling and are characterised by Romantic musings. A brief discussion of why the text’s proximity to Romantic writings complicates its generic status as a “mere” travelogue follows. The third section, then, takes this observation to an extreme and examines other scenes which evoke the impression that Yorick’s musings aim at satisfying his self only and therefore enable him to stage his traveller’s persona. The text thus presents a journey to the inner self and a Romantic-like celebration of the individual. It is a journey that primarily seeks the realization of idleness. It does not stop at that, however, but rather changes into something else: a performance of individual freedom and even egocentrism. Sterne’s Journey is precarious in its depiction of the protagonist’s almost parasitic relation to the things and people he meets on his journey.

S’appuyant sur l’introduction que donna Virginia Woolf au Voyage Sentimental, cet essai se lance dans une quête. On montre d’abord les raisons pour lesquelles l’ouvrage de Sterne peut être lu comme un récit de voyage à la fois conventionnel et distrayant. Puis on s’attache aux passages qui, de manière moins conventionnelle, représentent un type de voyage tourné vers soi et se caractérisent par des flâneries romantiques, ce qui complexifie le statut du texte. En poussant cette réflexion plus avant, certaines scènes sont lues de manière à faire ressortir le caractère égocentrique des flâneries de Yorick et la mise en scène de son personnage de voyageur. Le texte présente ainsi un voyage vers le moi et une célébration de l’individu qui annonce celle des Romantiques. Il s’agit donc d’un voyage qui glorifie dans un premier temps l’oisiveté mais qui donne en fin de compte une représentation de la liberté individuelle dans tout ce qu’elle peut avoir d’égocentrique. Le Voyage de Sterne est ainsi perçu comme un texte instable par le portrait qu’il propose de la relation presque parasite du protagoniste vis-à-vis des choses et des personnes qu’il rencontre sur son chemin.  

 

The Heart’s Travelling Back in The School of the Heart (1647)

Émilie JEHL (Université de Strasbourg)

Travelling in Harvey’s The School of the Heart is a backward movement, consisting in closing off the distance which has been established between one’s heart and God. The travels of the heart are characterized by operations of correction and reformation, namely, attempts at restoring the heart to a previous, pre-distancing state. The aim of heart emblems then is to make oneself agreeable to God again, to retrieve a state of faithfulness that has been lost and which is manifested in the heart’s spiritual distance and physical inadequacy. This contribution endeavours to retrace the steps of that pilgrimage which engages the whole self in processes of discovery, exploration, reformation and progress.

The School of the Heart de Harvey dessine un voyage de retour, qui vise à abolir la distance qui s’est établie entre le cœur et Dieu. Les pérégrinations du cœur sont jalonnées d’opérations de correction et de réforme, ou plus précisément de tentatives de restaurer le cœur dans un état antérieur à l’éloignement. Le but des emblèmes du cœur est donc de se rendre à nouveau agréable à Dieu, de retrouver un état de fidélité qui a été compromis et qui se manifeste dans la distance spirituelle et l’inadéquation physique du cœur. Cette contribution se propose de retracer les étapes de ce pèlerinage qui engage tout l’individu dans des processus de découverte, d’exploration, de réforme et de progression.

 

Critique et légitimation du voyage dans les utopies narratives, de Platon à Veiras

Angélique PÉRÈS (Université Paris Sorbonne)

In the seventeenth century, the genre of the novel was disparaged on moral, philosophical and aesthetic grounds. Yet fictional works grew in number, and travellers’ tales enjoyed immense success. The rewritings of More’s Utopia explore the utility of fiction, as illustrated in L’Histoire des Sévarambes (1677-79). In the wake of Plato, who gave pride of place to education in The Republic, Veiras links travel fiction to the need to instruct the people. Travelling is an institutional necessity, serving to acquire knowledge and experience that will be useful to the traveller’s home community. This ambition is already among the projects of Salomon’s House in Bacon’s New Atlantis. Reading a narrative utopia thus becomes a sort of journey by proxy, an activity that is both useful and pleasing, since the knowledge acquired through reading the traveller’s tale becomes an asset for the reader him/herself, and for the community in which he/she lives.

À l’Âge Classique, le roman est un genre décrié tant du point de vue moral que philosophique ou esthétique. Pourtant, les récits de fiction se multiplient – et les fictions viatiques ont un immense succès. Les réécritures de L’Utopie de More au cœur de l’Âge Classique s’interrogent sur l’utilité de la fiction – et L’Histoire des Sévarambes en est un exemple des plus intéressants. S’inscrivant dans le sillage d’un Platon, qui donnait toute sa place à l’éducation dans La République, Veiras relie la fiction viatique à la nécessité de l’instruction du peuple. Voyager est une nécessité institutionnelle permettant l’acquisition de savoirs et d’expériences profitables à la communauté d’origine du voyageur. Cette ambition faisait d’ailleurs déjà partie des projets de la Maison de Salomon dans La Nouvelle Atlantide de Bacon. Dès lors, lire une utopie narrative devient un voyage par procuration : c’est une activité liant l’utile à l’agréable, puisque la somme des connaissances développées grâce à la lecture du récit de voyage devient un bénéfice pour le lecteur lui-même ainsi que pour la communauté dont il est issu.

 

La Tempête de Shakespeare, écho d’un naufrage dans l’archipel des Bermudes

Vincent GRÉGOIRE (Université Paris Sorbonne)

Shakespeare’s Tempest is read in the light of events that marked the beginning of English colonialism in America. The play echoes the shipwreck on the islands of Bermuda of the Sea Venture, the famous Virginian Company flagship on its way to Jamestown. Through the imaginary and dreamlike dimension of the play transpire the traces of the real event that revive the humanist ambitions of the earliest British colonial plans which aimed at establishing a new commonwealth. However, the project and its utopian aspirations were jeopardised by intrigues between different leaders and the difficulty of integrating both the natives and the European common people. The latter were farmers with their own community experiences, who had moved to cities as a result of the enclosure movement. The Tempest shows evidence of the crisis in this emerging colonial era. Drawing on the pessimistic lessons from Tacitus and Machiavelli, the play proposes, through the figure of Prospero, a reply based on the assertion of what can be called discriminating humanism.

Nous lisons La Tempête de Shakespeare à la lumière des évènements qui marquèrent les débuts de l’implantation coloniale anglaise en Amérique. La pièce fait écho au naufrage dans les Bermudes du Sea Venture, vaisseau amiral de la Compagnie de Virginie, faisant route vers Jamestown. A travers la dimension onirique et imaginaire, ce sont les témoignages sur cet épisode réel qui résonnent et nous rappellent que les premiers projets coloniaux anglais s’inscrivent dans un horizon humaniste où il était question de fonder un nouveau commonwealth. Ces projets, aux accents utopistes, furent mis à mal par les intrigues florentines entre dirigeants, et par une difficulté à y intégrer pleinement les indigènes mais aussi les hommes de peu venus d’Europe, souvent anciens paysans dotés d’une autre expérience communautaire et chassés vers les villes par le mouvement des enclosures. La Tempête témoigne de cette crise du colonialisme naissant. La réponse qu’elle propose, à travers la figure de Prospero, s’inspire des leçons pessimistes de Tacite et Machiavel et consiste en l’affirmation de ce que nous appelons un humanisme discriminant.

 

“Bearing the adventure of the seas”: seafaring and the figure of the merchant in the early modern imagination

Anne-Kathrin MARQUARDT (Université du Havre)

“Which is the merchant here, and which the Jew?” Portia asks in The Merchant of Venice. The question suggests a certain difficulty in separating clearly between merchant and moneylender, between acceptable and immoral uses of money. One could gloss her question as: What exactly is a merchant, and what makes his trade different from other types of economic activity? Drawing on early modern writings on economics, especially those by Gerard Malynes (1585-1641), this contribution shows that travel by sea was the essential defining characteristic of merchant activity. Seafaring is the central risk of trade, showing a willingness to submit to God’s providence which the usurer – whose income is always secure – does not display. “Bearing the adventure of the seas,” it would appear, is what defines the merchant as a moral person, whose permissible use of money marks him out as a good Christian.

« Qui est ici le marchand, et qui le Juif? » demande Portia dans Le Marchand de Venise. La question suggère une certaine difficulté à distinguer entre marchand et usurier, entre des façons morales ou immorales d’employer l’argent. Elle revient à demander : qu’est-ce qu’un marchand, et qu’est-ce qui rend sa profession différente d’autres formes d’activités financières ? En s’appuyant sur des traités économiques de la Renaissance anglaise, notamment ceux de Gerard Malynes (1585-1641), l’on démontrera que le voyage en mer est la caractéristique essentielle qui définit l’activité marchande. La navigation est le grand risque du commerce, et permet d’afficher sa soumission à la Providence divine – ce dont l’usurier, toujours assuré de sa fortune, est bien incapable. « Courir l’aventure des mers », semble-t-il, est ce qui définit le marchand comme un personnage de bonnes mœurs, qui emploie son argent d’une manière moralement acceptable pour un bon Chrétien.

 

“New Sources of Wealth and New Channels of Commerce”: The Economic Dimensions of Mungo Park’s Travels in the Interior of Africa (1799)

Nora PLESSKE (Universität Passau, Allemagne)

Commissioned by the African Association to find the Niger river, Mungo Park not only set a standard for future travel writers with his account of this journey in Travels in the Interior of Africa (1799), but his trip into terra incognita was also crucial to initiating systematic explorations of the continent. The present contribution stresses the importance of the economic dimensions in Park’s travel narrative. It addresses the explorer’s dependence on trade, analyses his recordings of commerce in the region, and considers the influence of his text on the following colonial explorations and exploitation in Western Africa. The essay thus lays bare both negotiations of cultural exchange and formations of imperial hegemony.

Chargé par l’Association pour la découverte des districts intérieurs de l’Afrique de localiser le fleuve Niger, Mungo Park, par la relation de sa mission dans Travels in the Interior of Africa ( Voyage dans l’intérieur de l’Afrique, 1799), n’a pas seulement établi une référence pour la littérature de voyage à venir, mais a aussi donné par son périple en terra incognita une impulsion cruciale à l’exploration systématique du continent. Pour souligner l’importance de la dimension économique dans le récit de voyage de Park, l’on étudie la dépendance de l’explorateur à l’égard du commerce, ses rapports sur l’activité commerciale dans la région, ainsi que l’influence de son œuvre sur les explorations coloniales à venir et sur l’exploitation de l’Afrique occidentale. Tant les négociations liées aux échanges culturels que la formation d’une hégémonie impériale sont ainsi mises en évidence.

 

Du voyage à sa représentation : Les témoignages de deux marchands Nord-Américains en Europe (1779-1795)

Maud GALLET-GUILLON (Université Paris 3 Sorbonne Nouvelle)

The testimonies of two North-American merchants travelling to Europe between 1779 and 1795 and their successive transformations (letter, diary, epistolary travel book, memoirs) document how the travelling experience is translated into a written account, and make it possible to study the passage from the observation of facts and reality to a literary narrative. By investigating the authors’ motives as they vary according to personal and historical contexts, the fundamental role played by these palimpsests in the creation of a national conscience is highlighted. In this key period for the formation of an early American culture, they allow the visitors to confront the European “Other”, especially the British “Other”, and to produce a glorious portrait of their native land aimed at communicating to their readers and compatriots a sense of national pride.

Les témoignages de deux marchands nord-américains se rendant en Europe entre 1779 et 1795 et les transformations successives subies par les récits permettent de faire apparaître le processus de mise en écriture du voyage, et d’étudier le passage de l’observation de la réalité à sa représentation littéraire, au travers de formes diverses (lettres, journal intime, récit épistolaire, mémoires). En détaillant les buts poursuivis par les auteurs, il s’agit de montrer que ces textes-palimpsestes, écrits et réécrits au gré du contexte personnel et historique, jouent un rôle essentiel dans la création d’un sentiment national américain en cette période clé pour la formation de la Jeune Amérique, puisqu’ils permettent aux visiteurs de se mesurer à l’Autre européen et tout particulièrement l’Autre britannique, et de produire un portrait en creux des plus glorieux de leur terre natale, afin de conforter leurs lecteurs et compatriotes dans un sentiment de fierté nationale.