CFP: La guérison dans la Grande-Bretagne, l’Irlande et l’Amérique de la Première Modernité (XVIe-XVIIIe siècles)

Appel à communications

La guérison dans la Grande-Bretagne, l’Irlande et l’Amérique de la première modernité (XVIe-XVIIIe siècles)

Colloque conjoint de la Société française Shakespeare (SFS) et la Société d’études anglo-américaines des XVIIe et XVIIIe siècles (SEAA1718) organisé avec l’Institut de recherche sur la Renaissance, l’âge Classique et les Lumières (IRCL, UMR 5186)

20-22 octobre 2022 – Montpellier, France

Tout au long de la première modernité, la peur des épidémies et de la contagion façonne les quotidiens, réorganise les espaces, a des effets sur les corps individuels et collectifs ainsi que sur les imaginaires, avec des répercussions économiques, politiques, sociétales, médicales et culturelles, que les chercheurs se sont attachés à disséquer bien avant la pandémie de la Covid-19. La guérison, quant à elle, était une aspiration, un but que les savants et penseurs, laïcs ou confessionnels, les médecins, les guérisseurs (souvent des guérisseuses) des foyers et des paroisses recherchaient dans la foi, les savoirs ancestraux, antiques ou orientaux, les techniques et les connaissances scientifiques émergentes. Si la maladie et la souffrance se faisaient connaître par des manifestations très concrètes, la guérison était souvent plus incertaine. Dans le cadre d’une analyse historique ou littéraire, elle peut s’envisager sous l’angle de l’expérience, du point de vue des patients et des praticiens engagés dans des processus de rétablissement physique, moral ou spirituel. Elle peut également se concevoir comme un horizon d’attente et constituer, dès lors un concept opératoire permettant d’interroger les aspirations d’une société donnée et des individus qui la composent.

Ce colloque de la Société française Shakespeare (SFS) et de la Société d’études anglo-américaines des XVIIe et XVIIIe siècles (SEAA1718) vise une exploration interdisciplinaire de la guérison sous ses multiples facettes dans la Grande-Bretagne, l’Irlande et l’Amérique des XVIe-XVIIIe siècles. L’enquête portera sur la guérison dans la diversité et la complexité de ses manifestations : rétablissement physique ou moral, projection eschatologique, remise en ordre du corps politique ou social. Elle s’intéressera aux pratiques, à l’expérience des acteurs impliqués dans les processus de guérison, ainsi qu’à la multiplicité des représentations et discours contribuant à l’élaboration, parfois conflictuelle, de la notion de guérison.

La langue anglaise de la première modernité a recours aux mots « cure » et « heal ». Ces deux verbes composent un vaste réseau de connotations qui épousent des contours mouvants au fil des trois siècles qui nous intéressent. Le rapport complexe à la guérison se retrouve dans « care », qui conjugue des connotations de détresse et de sollicitude. Jusqu’au milieu du XVIe siècle, « health » est utilisé comme synonyme de « healing » et de « cure » (OED 3), mais pendant toute la première modernité, il renvoie aussi au salut. Il prend un sens plus administratif avec les « health officers » britanniques et américains des XVIIe et XVIIIe siècles, qui participent à l’organisation de ce qui deviendra le « health care » au XXe siècle.

Les termes « cure » et « healing » traversent l’œuvre de Shakespeare et de ses contemporains pour exprimer une aspiration démultipliée à la santé (« health »), autant des individus que des groupes (« commonwealths ») face à la maladie (« disease ») qui les envahit, les ronge, les décompose et les démembre. Se penchant sur la guérison du mal d’amour, la poésie de la Renaissance explore le pouvoir thérapeutique des textes. L’Anatomie de la mélancolie de Robert Burton, ouvrage publié en 1621, réimprimé tout au long du XVIIe siècle et encore cité au XVIIIe siècle, présente toute une panoplie de remèdes et de techniques de guérison, mais interroge également les limites éthiques de l’intervention thérapeutique. Sur les deux rives de l’Atlantique, le clergé s’efforce d’accompagner les fidèles qui, toutes confessions confondues, s’inquiètent de leur salut et traversent pour certains de profondes crises de désespoir. La foi, la sphère intime offrent des espaces de réconfort, de compassion et de consolation, des qualités réparatrices permettant de faire face à la contagion et au risque de démembrement du tissu politique et social.

Mais la crainte, la défiance face aux remèdes et à ceux qui les emploient, sont le pendant de cette aspiration à la panacée, vocable qui fait son entrée dans la langue au XVIe siècle. La femme dont la main guérit (« healing hand ») est tour à tour vertueuse et sorcière, célébrée et condamnée. Comme en témoigne l’expression « physic of State », le vocabulaire thérapeutique irrigue également le discours politique. Des appels à guérir le corps national entendent répondre aux dissensions religieuses et politiques, perçues comme des forces perturbatrices menaçant l’harmonie sociale et l’idéal de bon voisinage (« neighbourliness ») qui la fonde. En particulier, les révolutions anglaises et la guerre d’indépendance américaine font naître des aspirations à la paix et à la réconciliation. Mais la colonisation et l’expansion rapide d’une économie basée sur l’esclavage mettent à mal les notions d’harmonie sociale, que reprendront les philosophes des Lumières dans leurs travaux sur le contrat social et l’émancipation.

De la sphère de l’intime au corps de la nation, des égo-documents aux traités politiques et médicaux, du sonnet à l’éloquence de la chaire, des pharmacopées populaires aux techniques médicales des Lumières, des mythes et croyances aux approches scientifiques, des vocables populaires aux classifications et terminologies savantes, des gravures aux objets, le concept de guérison offre un large éventail d’approches et d’échanges interdisciplinaires. Si l’enquête se concentre sur l’espace anglo-américain, elle s’efforcera de prendre en compte les interactions avec d’autres zones géographiques, dans un contexte global marqué par le développement de la colonisation, de l’esclavage et des échanges.

Parmi les pistes et approches possibles :

  • Guérisons physiques, psychologiques et spirituelles ; guérisons sociales et politiques, individuelles et collectives
  • Les acteurs de la guérison : patients et praticiens ; médecins, clergé, guérisseurs et guérisseuses, « cunning folk »
  • Mythes et croyances
  • Éthique et politique de la guérison
  • Le rôle des femmes : médiatrices et détentrices de savoirs ; femmes de foi ; sorcellerie
  • Savoirs et techniques : éditions érudites, traductions vernaculaires, vulgarisation
  • Penser, traduire, écrire, représenter, mettre en œuvre la guérison : écrits théoriques, religieux, intimes, littéraires ; théâtre ; arts visuels
  • Approches théoriques : la catharsis aristotélicienne ; travaux sur les affects et les émotions ; le corps et sa matérialité ; dénuement ; « radical empathy »
  • Regards croisés entre les XVIe-XVIIIe siècles et les XXe-XXIe siècles
  • Fonctions réparatrices du théâtre de la première modernité aux XVIe-XVIIIe siècles et à l’époque contemporaine

Les langues du colloque sont le français et l’anglais.

Les titres et propositions de communication d’une longueur de 500 mots environ, accompagnées d’une notice bio-bibliographique (200 mots), sont à envoyer pour le 10 janvier 2022 à l’adresse suivante : <sfs-seaa1718@univ-montp3.fr>. Les notifications d’acceptation ou de refus seront envoyées le 31 janvier 2022.

Comité scientifique : Paula Barros, Pierre Lurbe, Florence March, Anne-Marie Miller-Blaise, Christine Sukic, Janice Valls-Russell

Comité d’organisation : Paula Barros, Luc Borot, Pierre-Louis Coudray, Frédéric Delord, Gaëlle Ginestet, Pierre Kapitaniak, Vanessa Kuhner-Blaha, Agnès Lafont, Valérie Maffre, Florence March, Jean-Christophe Mayer, Chantal Rock, Janice Valls-Russell, Nathalie Vienne-Guerrin, Charles Whitworth, Daniel Yabut

Call for papers

Healing in Early Modern Britain, Ireland, and North America (16th–18th c.)

A joint conference of the French Shakespeare Society (SFS) and the Society for Anglo-American Studies of the 17th and 18th centuries (SEAA1718) organised with the Institute for Research on the Renaissance, the Neo-Classical Age, and the Enlightenment (IRCL)

20-22 October 2022 – Montpellier, France

Throughout the early modern period, a fear of epidemics and plagues shaped daily life, reorganised spaces, and affected individual and collective bodies and imaginations, with economic, political, societal, medical, and cultural repercussions that scholars were dissecting long before the Covid-19 pandemic. Healing, in this context, could be construed as an aspiration, in pursuit of which scientists and philosophers, whether secular or denominational, by doctors and healers (frequently female) in homes and parishes turned to faith, ancestral, ancient or oriental knowledge, emerging techniques and scientific knowledge. While illness and suffering were experienced through concrete manifestations, healing was frequently uncertain. As a subject of historical or literary inquiry, healing can be examined as an experience involving patients and practitioners engaged in processes of physical, moral or spiritual recovery; it can also be conceptualised as a tool for questioning the aspirations of different societies, communities and individuals.

This joint conference of the French Shakespeare Society (SFS) and the Society for Anglo-American Studies of the 17th and 18th centuries (SEAA1718) invites an interdisciplinary exploration of healing in early modern Britain, Ireland, and North America. Participants may wish to consider healing in its diverse manifestations, including physical or moral recovery, eschatological anticipation, and the reordering of the body politic and the social body. The conference also aims to examine the practices and experiences of all those involved in healing processes, and look closely at the multiple representations and discourses contributing to often-conflicting constructions of the notion of healing.

To refer to the healing process, early modern English used both ‘cure’ and ‘heal’. The two verbs convey a vast network of shifting connotations throughout the early modern period. The engagement with the healing process is further complicated by the word ‘care’, which combines notions of distress and solicitude. Until the mid-16th century, ‘health’ was used as a synonym for ‘healing’ and ‘cure’ (OED 3), but throughout the early modern period it also referred to ‘salvation’. It took on a more administrative meaning with the 17th- and 18th-century ‘health officers’, who participated in the development of what would become ‘healthcare’ in the 20th century.

The terms ‘cure’ and ‘healing’ run through the works of William Shakespeare and his contemporaries as expressions of a desire for health. They convey the aspirations of individuals and groups (or ‘commonwealths’) alike in the face of diseases that consume, gnaw, rot, and dismember. At the same time, Renaissance poetry explored the therapeutic power of texts as remedies for lovesickness. Robert Burton’s The Anatomy of Melancholy (1621), which was often reprinted in the 17th century and continued to be quoted in the 18th century, presented a large variety of cures and techniques, but also questioned the ethical limits of therapeutic intervention. On both sides of the Atlantic, members of the clergy strove to support the faithful of all denominations who feared for their salvation and underwent profound crises of despair. Faith and the intimate sphere offered spaces of solace, compassion and consolation, and functioned as reservoirs of restorative skills against contagion and the risk of decay of the political and social fabric.

Yet, fear and mistrust of treatments and practitioners were the counterpart of this desire for panaceas, a term that entered into the English language in the 16th century. Women with the ‘healing hand’ were in turn celebrated for their virtues and condemned as witches. As the phrase ‘physic of State’ illustrates, therapeutic tropes also coloured the political discourse. Calls to heal the national body sought to respond to religious and political dissensions, which were perceived as disruptive forces threatening social harmony and the underlying ideal of ‘neighbourliness’. In particular, the English and American revolutions gave rise to aspirations for peace and reconciliation. Yet, colonisation and the rapid expansion of an economy based on slavery undermined notions of social harmony, which Enlightenment philosophers took up in their promotion of the social contract and emancipation.

From the sphere of intimacy to the body of the nation, from ego-documents to political and medical treatises, from the sonnet to the sermon, from popular pharmacopoeias to the medical techniques of the Enlightenment, from myths and beliefs to scientific approaches, from popular terms to learned classifications and terminologies, from medical artefacts to works of art: the concept of healing invites a wide range of approaches and interdisciplinary exchanges. While centred on the Anglo-American area, these conversations are also bound to consider interactions with the rest of the world in an era of slavery, colonisation and increasing exchanges.

Possible avenues and approaches include:

– Physical, psychological and spiritual healing; social and political, individual and collective healing 

– Agents of healing: patients and practitioners; doctors, clergy, healers, ‘cunning folk’

– Myths and beliefs

– The ethics and politics of healing

– The role of women, as mediators and holders of knowledge; women of faith; witchcraft

– Knowledge and techniques: learned writings, vernacular translations, popularisation

– Thinking, translating, writing, representing, implementing healing: theoretical, religious, intimate, literary writings; drama; the visual arts

– Theoretical approaches: Aristotelian catharsis; affect theory; the study of emotion; the body and its materiality; deprivation; radical empathy

– Comparative perspectives on the early modern and contemporary periods

– Restorative functions of the theatre from the early modern period to the present

The languages of the conference are English and French.

Participants are invited to submit a title, a 500-word abstract, and a bio-biblio (200 words) by 10 January 2022 at <sfs-seaa1718@univ-montp3.fr>. The advisory board’s decision will be notified by 31 January 2022. 

Advisory board: Paula Barros, Pierre Lurbe, Florence March, Anne-Marie Miller-Blaise, Christine Sukic, Janice Valls-Russell

Organising committee: Paula Barros, Luc Borot, Pierre-Louis Coudray, Frédéric Delord, Gaëlle Ginestet, Pierre Kapitaniak, Vanessa Kuhner-Blaha, Agnès Lafont, Valérie Maffre, Florence March, Jean-Christophe Mayer, Chantal Rock, Janice Valls-Russell, Nathalie Vienne-Guerrin, Charles Whitworth, Daniel Yabut